L'Épopée de la
Franc-Maçonnerie (Tome 2)
(BD)
Didier CONVARD est déjà connu des mouvements culturels maçonniques par d’autres séries :
Triangle Secret
Les Gardiens du Sang
Lacrimal Christi
Et je ne suis pas déçu, on retrouve les ingrédients qui ont fait le succès des précédentes séries.
Les deux premiers tomes de cette nouvelle série de Bande Dessinée s’appuient principalement :
sur le conte d’inspiration maçonnique lié à la légende du 3ème Degré : « La Reine du Matin et Soliman Prince des Génies — Voyage en Orient »
avec des influences de René GUENON avec la Tradition Primordiale, mais aussi peut-être d’Oswald Wirth pour l’Alchimie
Gérard de NERVAL n’était pas en soit franc-maçon, mais fils d’un Franc-Maçon (louveteau), ce qui explique sa connaissance de la légende d’Hiram, mais les rituels maçonniques étaient largement divulgués et disponibles dans les librairies à l’époque où il composa les textes à partir de 1839
De fait, peu importe le Rite pratiqué, le Franc-Maçon lecteur se retrouvera plongé dans une intrigue dont il est déjà familiarisé directement et indirectement via le Degré de Maître.
Ma profonde déception ne se situe pas sur le contenu des deux premiers tomes mais sur les textes l’accompagnant :
Préface très regrettable avec en sous-jacent un vieux litige GLDF envers le GODF sur celui qui détient la primeur de l’ancienneté ; avec en prime de nouveau les mêmes mensonges par omission sur le REAA
Dossier explicatif contenant des erreurs corrigés depuis plus de 40 ans dans les milieux de cherchants maçonniques
Très honnêtement, j’espère que la série dans ses prochains tomes présentera des articles de meilleurs qualité à la fin de l’album, les historiens et conservateurs ne manquent pas en Franc-Maçonnerie, au sein de la GLDF y compris…
À la limite, j’aurai finalement préféré qu’on évite tous ces ajouts autour de l’oeuvre, pour ne porter atteinte à la qualité de la BD elle-même, comme ce fut le cas pour les autres séries précédentes de Didier CONVARD.
Je développe ci-dessous en détail les divers contenus que je trouve les plus regrettables ou décevants dans la préface et les annexes ; qui ne sont pas à la hauteur du contenu de la BD en elle-même ni des autres séries du même auteur.
Dossier Hiram, l’architecte
La Liberté de Jacques ROZEN — Souverain Commandeur du Suprême Conseil de France
Il s'agit ici de l'article peut-être le plus décevant et cumulant à la fois :
Confusion géographique complète en regardant et interprêtation de l'Histoire d'un point de vue Royaume de France, et non Royaumes des îles britanniques
Hors Sujet en confondant substrat Métier des Compagnonnages français type "Devoir", et substrat Métier des Jurandes et Maîtrises repris par la Franc-Maçonnerie
Anachronisme sur les Traditions des Compagnonnages Français type "Devoir" au XIXe siècle, en realité influencés directement et indirectement par la Franc-Maçonnerie
Florilèges cohérentes avec les rédactions de cet auteur dans le précédent tome
On cumule encore ici les confusions entre Histoires des Organisations de Métiers, abstraction de l'Histoire Médiévale dans les îles britanniques. Mais ausssi la présentation de florilèges concernant ces organisations, issus de livres de pseudo-histoire de la part d'auteurs peu rigoureux sur le sujet, et dont les contenus ont largement corrigés en France depuis plus de 40 ans de recherche maçonnique, compagnonnique ; y compris les recherches historiques sur les Métiers française.
Les acquis culturels en loge sont tenaces, et parfois meme encore enseigné par les Precepteurs et Surveillants auprès des Franc-maçons Apprentis (Entrés) et Compagnon (du Métier) et Maîtres.
Encore faut il s'y intéresser !
Je ne relève pas les erreurs concernant l'Histoire DES CompagnonnageS français, je ne suis pas spécialisé, et c'est hors sujet concernant l'Histoire de la Franc-Maçonnerie et ses substrats "Métier".
Florilège sur des "Origines compagnonniques de la Franc-Maçonnerie
Il ne fait nul doute pour l'historien que la Franc-Maçonnerie a puisé une partie de ses sources dans le compagnonnage.
Par l'ensemble de l'article, et l'utilisation ici de la terminologie "compagnonnage" au sens "compagnons du devoir" français est une erreur à plusieurs points de vue :
Il existe plusieurs types d'organisations de Métier :
Organisation règlée
Organisation jurée
Confréries
Compagnonnages
Toute organisation de métier n'est pas d'un devoir !
Et toutes ces organisations sont différentes en fonction des lieux, cultures, et époques, et en plus évolutive en fonction des changements de société.
Il faut ici prendre en compte est le fait que la Franc-Maçonnerie est née dans les îles britanniques, et qu'il faut donc rechercher, étudier, interpreter et comprendre ce substrat "Métier" de points de vue Culturels, Cultuels, Historiques, Civiques et Politiques dans ce secteur géographique, et non Française.
Le subtrat "Métier" dans la culture maçonnique est à chercher :
dans les confréries de métier type "guilde"
dans les jurandes des Cités et Burghs (écossaises)
dans l'organisation civiques des Cités et Burghs
Dans les îles britanniques, les Corporations n'ont pas été supprimés par divers lois comme en France comme :
Edit de Turgot du 12 Mars 1776
Loi Allarde du 2 et 17 Mars 1791
Loi Le Chapelier du 14 Juin 1791
On est dans d'autres territoires que la France, donc dans d'autres contextes, d'autres cultures et d'autres évènements historiques ...
Vrai & Faux : "Signification du nom du 2e Degré « Compagnon »
Il ne fait nul doute pour l'historien que la Franc-Maçonnerie a puisé une partie de ses sources dans le compagnonnage.
L'étymologie du Compagnon est bien entendu correct, sauf que le terme « Compagnon » est un choix de traduction du mot maçonnique anglais « Fellow» et « Fellow-Craft».
Le terme anglais exact pour « Compagnon» afin d'avoir le meme sens étymologique est « Companion ».
Dans les documents des Organisations de Métier anglo-saxons (Cité de Londres, Cité d'Edimbourg, etc), deux termes sont principalement utilisés pour Compagnon : « Fellow-Craft » ou également « Journeyman », mais jamais le terme anglais « Companion » n'est utilisé dans ce contexte.
La Franc-Maçonnerie en ses 3 premiers degrés, appelé en anglais « Craft Freemasonry », « Franc-Maçonnerie du Métier »sont :
« Entred Apprentice » ou « Apprentice » (traduit usuellement par « Apprenti Entré » ou « Apprenti »)
« Fellow-Craft » ou « Fellow », (traduit usuellement par « Compagnon du Métier » ou « Compagnon »)
« Master » (traduit usuellement par « Maitre »)
On est typiquement sur les différents statuts en vigueur durant l'Ere Médiéval dans les Jurandes et Maitrises en France comme dans les iles britanniques.
En France, les 3 statuts du Métier dans les Jurandes et Maitrises sont :
Apprenti
Valet ou Varlet
Maitre
« Fellow » vient du vieille anglais tardif « fēolaga », issu du vieux narrois « félagi » — littéralement « celui qui s'investi dans une entreprise commune », c'est à dire un partenaire ou un collègue :
du vieux norrois « fé », Chateau, propriété, argent
de l'allemand « lay », mettre
« Valet » vient du gaulois latinisé « Vassus », serviteur, mais sans aucun sens péjoratif. Ce terme induit une dépendance à une personne ayant un rang plus élevé.
Cette différence de terme expliquera peut etre le choix de remplacer par « Compagnon » durant le XVème siècle, dans un contexte spécifique à la France et quelques pays limitrophes, lors de conflits avec les Maitres et Employeurs. Mais ce contexte n'a pas existé dans les iles britanniques, où l'exigence qu'un travailleur dans un Métier qualifié doit effectuer un apprentissage de 7 ans ne sera abrogé qu'en 1814.
Florilège sur l'Origine du "Franc" dans "Franc-Maçonnerie"
Les Compagnons s'inscrivaient dans la mobilité, le changement. Les seigneurs comme les dirigeants des églises leur reconnaissaient ce droit de circulation et c'est sans contraintes que les Compagnons pouvaient exercer leur art au sein de l'Europe […]. C'est de cette liberté que vient sans doute le terme de frei-maurers, de free masons, de francs-maçons.
On resasse cette ancienne théorie de la Franchise de mouvement accordé à ces excellents compagnons qualifiés, parfois meme par une Bulle du Pape introuvable.
La légende est belle, juste non documenté et c'est surtout oublier à nouveau qu'il faut situé l'origine de la Franc-Maçonnerie dans les iles britanniques, avec l'Organisation Civique et Politique.
En Angleterre et Ecosse par exemple, les Cités ont un statut particulier, des "Liberties" accordés par Charte Royal par le monarque. Les Citoyens sont des « Freemen », des « Hommes Libres ».
Quand Guillaume le Conquerant a conquit l'Angleterre en 1066, et garantira par Charte Royale, s'adressant à l'Archeveque, le portreeve et les Bourgeois de la Cité de Londres, garantissant les droits des citoyens tels qu'ils les avaient obtenus de leurs pères du temps d'Edouard le Confesseur, et confirmant que chaque homme devra etre l'héritier de son père.
Après la perte d'une bataille en 1214, les rebelles nobles et bourgeois de reconnaitre en 1215 une longue liste de droits appelé par la suite "Droits traditionnels des anglais" :
Nous avons également accordé à tous les "Freemen" de notre royaume, pour nous et nos héritiers à jamais, toutes les libertés souscrites, à avoir et à garder par eux et leurs héritiers, par nous et nos héritiers à jamais... Aucun scutage (impôt) ni aide ne sera imposé à notre royaume, à moins que par un conseil commun de notre royaume ... Et la Cité de Londres aura toutes ses anciennes libertés et coutumes libres, aussi bien par terre que par eau ... Aucun homme libre ne sera pris ou [et] emprisonné ou disséqué ou exilé ou détruit de quelque manière que ce soit, et nous n'irons pas sur lui ni n'enverrons sur lui, sauf par le jugement légitime de ses pairs ou [et] par la loi du pays. ... À personne nous ne vendrons, à personne nous ne refuserons ou ne retarderons, le droit ou la justice. ... Tous les marchands auront le droit de sortir d'Angleterre et d'y entrer en toute sécurité, avec le droit d'y rester et de se déplacer aussi bien par terre que par eau, pour acheter et vendre selon les anciennes et justes coutumes, de renoncer à tout mauvais péage ...
Ce statut de Freeman s'obtenait par ce qu'on appelle la "Freedom of the city" :
Par servitude (apprentissage auprès d'un Maitre et Citoyen de la Cité)
Par Héritage
Par Achat
Ce statut étant conféré très largement par les "Vénérables Compagnies" (dont les maçons) membres de la Corporation de la Cité. Mais aussi par le Common Council pour les cas honorer une personne particulière. Ce fut le cas par exemple pour Désagulier à la Cité d'Edimbourg, fait "Burguess" l'équivalent écossais du "Freeman" anglais.
Ainsi, "Free-Mason" a deux explications, l'une ne s'opposant pas à l'autre :
"Freeman Mason" contracté en "Free-Mason"
"Freestone Mason" contracté en "Free-Mason"
Mais ce ne serait pas les seuls. Par exemple, en 1477, le Roi Edouard IV accordera une nouvelle Charte Royale au Maitre, Surveillant et Communauté du Mystère des Freemen de la Charpenterie de la Cité de Londres.
Pour anecdote, la "Freedom of the City" est toujours pratiquée et conférée dans les Cités et les Burghs, et a également été exporté dans les Colonies, comme Sydney ou encore New York.
Architecture Gothique — Auteur non cité
- La période gothique
Florilège sur l'Architecture basé sur le Nombre d'or
De plus, les cathédrales sont baties suivant une symbolique des nombres très précise, à partir du nombre d'or
Comment ne pas retrouver le grand classique maçonnique de la planche sur "le nombre d'Or et l'Architecture et les tracés régulateurs"...
Mais si on cherche vraiment, il est possible de toujours retrouvé une proportion "presque au nombre d'or, donc au nombre d'or" meme s'il n'y en a pas d'intentionnel à la base.
Hors il ne faut pas oublier que cette passion de retrouver dans l'esthétisme une proportion en "extreme et moyenne raison", proportion divine, dorée ou nombre d'or a surtout commencé avec Adolf Zeising (1810-1876) afin de démontrer une supériorité germanique — sic
Matila Ghyka (1881-1965), un eugéniste et raciste qui publia deux livres complets sur le sujet, y compris le Gothisme, et annonçant dès son avant-propos :
L'idée-sève a été ce que j'ai appelé (d'après Flaubert) la « Loi du Nombre», idée maitresse, base vivifiante, tant qu'elle fut comprise, non seulement de l'Art méditérannéen (comprendre Grec), mais de toute « l'Aventure » intellectuelle (au sens bergsonien du mot) de la Race Blanche
L'ouvrage sera préfacé par l'antidreufusard Paul Valéry — sic
Sans oublier les débats d'historien sur les acquaintances avec le fascisme et l'antisémitisme de l'inventeur du Modulor — Le Corbusier (1887-1965)
La Géométrie ne consiste pas à faire de l'à peu près, mais de la précision. 1,6 n'est pas le nombre d'or, meme si les deux valeurs sont proches.
Retrouver à postériori une proportion dans une oeuvre est toujours un risque de dériver vers de la numérologie, sympathique, certe, mais sans aucun fondement.
L'ouvrage "Les Cathédrales retracées" de Pierre BELLENGUEZ est très intéressant sur ce sujet justement, remettant avec pertinence en cause ce "nombre d'or mis à toutes les sauces".